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Metanoia Artistes Performers

6 juin 2010

INTRODUCTION

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« Metanoia » :

Pas tout à fait un nom propre, mais une manière, à la fois furtive et insistante, de désigner un ensemble d'opérations qui ne cessent pas de ne pas finir. Il a bien fallu un point de départ : la rue, avec ses occasions, ses recoins, ses rendez-vous contingents, sa magie un peu sale… Assez pour susciter des rencontres  improbables, à la limite du jeu chorégraphique et d'une exploration des limites du visible. En quoi peut-on dire d'un mouvement qu'il est imperceptible ? Quelle est la frontière du spectaculaire ? A quelles conditions un événement peut-il être reconnu comme tel ? Que faut-il pour qu'un geste affecte un espace, et transforme de présumés spectateurs en acteurs à part entière du drame du visible et du sensible ?

 

Tout concourt à poser les bases d'un art de la  «performance » comme art de l'immédiat, comme art de faire surgir la puissance d'inauguration de l'instant. Une manière d'engager le corps qui ne se conforme pas aux codes dominants de la représentation, mais qui mobilise les ressources du sentir pour célébrer l'inouï, l'inédit, en restituant au mouvement (théâtral, ordinaire, dansé…) sa force de choc et de révélation. Cet effort investit de plus en plus l'espace de l'atelier pour interroger les possibilités d'une écriture chorégraphique à partir d'une mise en oeuvre de la matière vivante.

Jacques Brunet-Georget, translated by Julie West
CC- Some rights reserved
/ Metanoia

Not exactly a « title », but a possibility, a pathway both yielding and insistant, designating a never ending set of occurrences looking to cease, to find an ending. A starting point imposed itself: the street, with its hidden corners and unforeseen meeting places, with its magic somewhat worn but full of potency… enough to generate improbable meetings, at a crossing point between choreographic play and an exploration at the edges of the visible.   How can one describe a movement as imperceptible? When does one cross the border into the spectacular? Under what conditions can an event be recognised as such? What is needed for a gesture to affect the space and transform the so-called spectators into full fledged actors in a drama both « visible » and « sensitive ».
All elements converge towards the creation of a foundation for an « art of performance », an art of the immediate, capable of bringing forth the power of inauguration inherent in the present moment. Engaging the body in a stance freed from dominant socio-political codes of representation, we mobilize our awareness celebrating the original and the unexpected, rehabilitating movement (theatrical, pedestrian and danced…) in its power to both shock and reveal.
This research also evolves within the confines of the studio as an enquiry into the possibilities of choreographic creation arising from what is alive within.

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6 juin 2010

MANIFESTE ARTISTIQUE

 

Metanoia > Manifeste artistique, juin 2007
PERFORMERS, PERFORMANCES

par Jacques Brunet-Georget
CC- certains droits réservés/ Metanoia

- le visible et l'invisible

Printemps 2006, gare de Bordeaux Saint-Jean : des groupes à la composition aléatoire interviennent, dirait-on, au milieu des gens. Inter-viennent, c'est-à-dire adviennent entre, dans les interstices et les intervalles ; interagissent, s'intercalent, s'interrompent, interrompent les flux ; inter-prètent, aussi, une sorte de danse imperceptible, non signifiante, une danse non-dansée, et interrogent par là le fait même de leur présence. Il s'agit de se laisser immerger dans les courants et les passages, dans  tout ce qui circule, à petite ou grande échelle, au sein d'un lieu aussi particulier. Laisser le corps réagir, se faire imprégner par des micro-mouvements ou par des flux d'ensemble ; puis, progressivement, donner à cette gestuelle acquise (contingente, non codifiée par avance) une consistance quasi-chorégraphique qui ne leur confère pas pour autant un statut spectaculaire: répéter les gestes, les amplifier, varier les vitesses, traverser des seuils d'intensité, leur communiquer une vibration particulière… Tout ça sans le signaler, sans le désigner au regard ni à l'attention. Ceux qui passent (passants, passagers…) pourront le voir ou non, s'y arrêter ou pas ; certains sentiront une légère incongruité, d'autres percevront inconsciemment un parasitage de leur champ et l'inscriront même, l'espace d'un instant, comme par contagion, dans leur propre corps, barrant leur marche stéréotypée d'une aberration fugace (déséquilibre, balancement…). Détourner l'allure, les allures, supposées "naturelles" et "normales" du corps en les poussant à leur limite, en les décalant par rapport à leur cadre habituel ; se manifester dans le champ de vision sans se poser comme objet de spectacle, se rendre sensible, perceptible, tout en restant dans une certaine invisibilité ; créer des effets de brouillage, modifier la logique des flux, sans jamais intervenir sur un mode volontariste ; se connecter à une circulation d'ensemble sans forcément voir tous les autres et tout en inscrivant dans l'espace la singularité d'un tracé ; enfin - pointe extrême du processus - faire surgir des combinaisons corporelles fantasmagoriques, des scènes insolites dans les coins les plus communs (point-rencontre, panneau d'affichage, distributeur de boissons, entrée du quai, porte des toilettes…), mais en se fondant sur la logique et l'ambiance propres de ces lieux, comme si le plus fou pouvait sortir du plus banal, comme si il n'y avait rien d'étonnant à voir ça là, comme si, à la limite, rien n'obligeait à tourner les yeux pour le voir… Et pourtant quelque chose a lieu, qui donne à voir sans se faire spectacle, qui enregistre, comme un sismographe, les vibrations de l'espace et des flux tout en suscitant autre chose, une nouvelle forme de visibilité et une autre manière de regarder - qui est aussi bien une autre manière de sentir.

 

- le mélange des genres

 

Danseurs, comédiens, chanteurs, plasticiens, vidéastes… Tout ce petit monde a maille à partir, a son mot à dire, son geste à faire, à offrir. Il n'y a pas de statut institué du performer, il ne rentre pas dans une catégorie préétablie et n'est pas censé répondre de compétences définies par avance. Ses compétences sont singulières, irréductibles, et il ne cesse de les remettre en jeu dans le processus de la performance: le danseur rencontre l'étrangeté de la parole ou du cri, le comédien se frotte à un nouveau type de corps, fait d'énergie et de rapports dynamiques, le plasticien vient questionner le rapport entre la forme et la force, entre l'image et le mouvement… Il n'y a pas de lieu plus approprié que la performance à une interrogation sur les limites disciplinaires: pur espace de jeu, elle ouvre la possibilité de mettre à l'épreuve ce que chacun éprouve comme un savoir dans son champ propre, et fait surgir de nouvelles modalités d'expression en mêlant, en faisant parfois s'entrechoquer, des pratiques que la tradition académique ne cesse de séparer.

 

- la norme, le normal, le légal

 

Sur le quai de la gare, des gestes quotidiens sont décalés, poussés à leur extrême limite, ritualisés… Dans les rues de la ville, des espaces publics, presque consacrés, sont investis par des manèges étranges, des parades folles, des immobilités sidérantes…Avons-nous le droit de faire cela ? Sans doute, puisque personne ne nous l'interdit. Pourtant, il est manifeste que nous transgressons quelque chose, mais cette transgression est particulière car acceptable, porteuse d'une intention qui peut résonner pour qui sait s'y rendre perméable. Sommes-nous fous, alors ? Oui, mais fous dans le mesure où nous rendons raison d'une certaine manière dont les normes du "raisonnable" et du "convenable" se construisent. Pourquoi consentir si facilement à conformer son corps à une démarche, une gestuelle, une expression surimposées ? Pourquoi ce qui est tenu pour "l'espace public" enveloppe-t-il les possibilités corporelles dans un langage porteur de valeurs réductrices, souvent appauvrissantes ? Des anecdotes sont instructives: interpellés par l'équipe de surveillance de la gare, nous avons dû fournir nos pièces d'identité tout en goûtant le trouble de ces agents de l'ordre qui ne pouvaient rien nous reprocher si ce n'est de nous trouver sur le quai sans titre de transport, alors même que c'étaient la forme de nos déplacements, leur apparente incongruité, qui les avaient alertés. Mais pourquoi ? Eux-mêmes seraient bien incapables d'en rendre compte, sauf à invoquer comme par un réflexe pavlovien une prétendue normalité dont chacun sent bien qu'elle ne résiste ni à l'examen ni à l'expérimentation. Que dire encore de cet homme qui appelle la police en voyant une sorte de jogger-araignée en train d'escalader le sol absolument plat des bords de la Garonne, et de sa légère honte devant l'œil amusé et intrigué de ces mêmes policiers, qui restent pendant de longues minutes dans une inhabituelle posture d'observation, presque contemplative ? Qu'on ne s'y trompe pas: il ne s'agit pas de provocation, ni d'un jeu d'hystérie avec la loi. Ce qui est en jeu, c'est d'inscrire une sorte de jouissance en excès dans un réel normalisé pour en faire vaciller les contours, pour appeler le regard du passant à en jouir autrement, et pour lui faire sentir les possibilités libératoires de sa présence à ce qui l'entoure. D'une certaine manière, toute performance est un acte politique dans le mesure où elle invite à subvertir depuis l'intérieur même de notre expérience du réel ce qui fait obstacle à sa saisie authentique, ce qui de la norme limite une appropriation intensive de ses ressources.

 

- réel, angoisse, suspension

 

L'angoisse est-elle l'affect majeur de la performance ? Il y a une angoisse du performer (comme d'ailleurs du "spectateur", qui, à ce titre, est convié de plain-pied dans l'élaboration du travail), lorsqu'il lève la perception "naturelle" du monde et le système de représentations qui la structure pour se rendre disponible - mais aussi vulnérable - à l'émergence d'un inédit: laisser vaciller ses repères, accepter que le déjà connu, le familier se présente - se rende présent - sous le visage de l'étrangeté. L'espace autour n'est plus celui de la maîtrise, des actions simplement possibles à inscrire dans une planification, dans un protocole moteur. Il y a angoisse parce que l'espace et le corps de l'autre ne sont plus reconnaissables sur le mode de l'identification objective, ne peuvent plus se laisser décomposer en unités isolables de signification: quelque chose chute qui est la réalité en tant que représentée, quelque chose s'ouvre - et dans le même temps se dérobe - qui est le réel en tant que forme pure du surgissement. Ce réel est angoissant car non anticipable, il apparaît comme l'énigme même de ce qui arrive ; il revient au performer de répondre à cette énigme et cette réponse est son acte spécifique, à condition de ne pas le comprendre comme un geste conscient, délibéré qui viendrait fabriquer de la réalité sur mesure. A ce qui du réel est béant, indécidable répond l'acte du performer comme une manière de faire jouer ce vide, de faire vibrer ce qui vit, là, d'encore informe. Cet acte n'est pas l'action de l'acteur, l'action préméditée qui n'est pas encore née qu'elle prétend déjà se signifier, ou qui intervient au titre d'événement central, décisif ; c'est une manière de suspendre notre croyance à la réalité ordinaire, de se suspendre au-dessus d'un sol sans fond, ou comme on dit de particules qu'elles sont en suspension dans une solution: se mettre au diapason de ce qui circule, ne rien appuyer, ne pas peser, se rendre poreux à ce qui arrive au titre de l'inédit. Il s'agit là de créer les conditions d'une rencontre avec le réel - le réel de l'espace, des matières, des visages, de l'autre… Rencontrer n'est pas réunir, au sens de réunir le performer et son (?) monde dans une synthèse harmonieuse qui dessinerait une signification pleine (réponse ultime et illusoire à un "qu'est-ce que ça veut dire ?") ; rencontrer, ce serait à la fois accueillir et laisser échapper, saisir et ne pas tenir, une manière de reconnaître le plus intime du réel tout en consentant à le perdre. Une manière aussi, peut-être, de convertir l'angoisse de l'indécision en joie, de faire de ce réel l'expérience même d'un désir non volontariste, qui soulève des possibles sans jamais prétendre à en intégrer le sens.

R.A.S. : Réel, Angoisse, Suspension. Rien A Signaler. Rien à désigner dans un geste démonstratif, rien qui décrive un sens ultime du réel. Juste une manière de répondre à l'énigme de l'événement en créant les conditions d'une disponibilité absolue du performer.   

 

Ce n'est pas contradictoire de dire qu'il y a une technique pour cela. Un art du silence et de la pause, de la rupture et du temps, qui permette de faire résonner cette angoisse et de traiter l'irruption de l'imprévu comme une forme de nécessité.

 

- le corps en acte(s)

 

Performer, c'est (re)découvrir et explorer le feuilleté des possibles corporels. Qu'est-ce qu'un geste dans l'horizon de la performance ? Un mouvement orienté par une finalité, comme certains gestes quotidiens, qu'on produit pour faire quelque chose, en vue d'un certain accomplissement ? Quelque chose qui serait déjà un geste chorégraphique, c'est-à-dire un mouvement revenant sur lui-même, formulant dans sa réalisation même une sorte de conscience immédiate, et qui conjoindrait la tenue d'une intention avec la sensation d'un laisser-faire ? Ou encore quelque chose comme un acte dramatique, porteur d'une valeur représentative et axé sur le problème de l'expression ? Jouer de son corps, pour le performer, revient à traverser ces trois registres, à investir leurs intervalles et leurs coins d'ombre, à sentir combien ils sont à la fois insuffisants et interdépendants. Ce corps pourra visiter les postures quotidiennes, mais pour les subvertir en en faisant glisser les références ; il pourra se faire théâtral, collaborant à l'expression d'un sens ou d'une émotion, mais sans se réduire à une figure au service d'une abstraction ; il pourra se faire corps dansant, mais sans céder à la tentation de la forme, ou d'une esthétique close sur elle-même. Ce qui se dessine, c'est un corps intensif, énergétique, pulsatoire, traversé de différences. Différences de vitesse et de potentiel, pour reprendre des termes deleuziens, avec des seuils d'excitabilité et de transformation ; un corps qui serait possiblement en reconfiguration permanente et qui serait toujours en passe de se connecter à des éléments hétérogènes.

 

Performer, c'est aussi se confronter à l'organique dans sa dimension la plus matérielle. Consentir à habiter un corps vivant, palpitant, imparfait. S'ouvrir à ses différentes consistances (muscles, nerfs, peau…), à ce qu'il sécrète, expulse, pour les intégrer, le cas échéant, au processus de création. D'autant que ce corps est toujours un corps en situation, inséré, en relation avec le dehors (la rue, le macadam, l'herbe, les déchets, les objets usuels…). Dans le même temps, l'expérience corporelle du performer le porte à un certain degré d'abstraction. L'abstraction, ce serait un champ de relations non figurables, une manière de mettre en œuvre le mouvement qui excèderait la question de l'illustration ou de la narration - sans les nier pour autant. Laisser la texture corporelle se prendre dans un jeu indéfiniment ouvert d'échanges et de transformations, de rapports impersonnels et dynamiques… Vers une sorte d'abstraction organique…

 

- espace, temps, événement: "je performe là où je vis"

 

Où la performance a-t-elle lieu, où a-t-elle son lieu, son espace ? Cet espace n'est pas celui, géométrique, de la représentation, qui trace une ligne de séparation entre un intérieur et un extérieur, entre un regardant et un regardé. Il ne s'agit pas tant d'un espace que d'un champ, multidimensionnel et paradoxal. N'importe quel recoin, même le plus insolite, peut devenir central et jouer comme un foyer de rayonnement. Le plus souvent, le dit "spectateur" n'est pas assigné à une position fixe et définitive: son propre espace est problématique, il n'est jamais dans une absolue extériorité ; le regardant est partie prenante des modifications, parfois à son insu. Les lieux ouverts peuvent se laisser approprier - et, dans le même temps, ex-proprier - dans un intimisme extrême, dans des ritournelles ténues (Jardin Public/jardins secrets…)  ; les lieux plus confinés, à la stricte délimitation, offrent parfois des scènes tourbillonnantes, des possibilités de chevauchées, un visage quasi-mythologique (les couloirs d'accès aux quais de la gare, par exemple…). C'est un espace qui ne cesse de reconduire le dedans dans le dehors, et vice-versa: le cœur du visible - centre d'une éventuelle représentation - est toujours en passe de s'éparpiller dans un extérieur indéfini, où le regard et la conscience ne sont pas attendus ni contraints ; l'espace des marges, de la périphérie, n'est jamais déclaré hors jeu, il vient parfois vibrer de sa propre vie, par des retournements curieux. Le plus lointain, le plus séparé, est souvent ce qui nous concerne le plus ; trouver les lignes de fuite du "dedans", la force enveloppante du "dehors", c'est dans cette alternance que pourrait émerger quelque chose comme un "espace".

 

La performance n'a pas de temps opportun ni de temps imparti. Pourtant, sa matière même, c'est le temps, le temps comme forme pure de l'événement. Il est toujours possible de l'inscrire dans des limites déterminées, d'en isoler un début et une fin - et il est même souhaitable de le faire, il y a toujours là quelque chose d'une écriture. Ce qui ne revient pas à fournir un format ; il s'agit plutôt de créer les conditions d'une expérience immédiate de l'événement. En prise avec l'actuel, avec l'ici et maintenant, le performer est amené tout à la fois à traverser la durée dans son épaisseur et à réagir à l'urgence de l'instant. En quelque sorte, il est pris entre deux extrêmes: une appréhension du temps comme infini, comme ce qui s'enroule indéfiniment sur soi-même, et sa fulgurance dans l'événement, comme imminence d'un bouleversement. Ce n'est pas le temps séquencé, domestiqué, du théâtre, qui offre une apparence de "déroulement", ni celui, instantané, de la performance sportive. Tout l'art du performer est de voltiger entre deux gouffres, entre deux infinis: la durée pure comme éternité, l'instant comme puissance d'inauguration. En ce sens, on peut dire: "je performe là où je vis".  "Là où je vis", ce n'est pas seulement mon milieu ordinaire de vie, ni les circonstances actuelles, c'est le temps pris dans son immanence, comme processus même de transformation.

 

- identité, intimité

 

Performer, c'est savoir être "performatif", c'est-à-dire faire un travail critique sur l'identité. L'identité comme ce qui se répète à l'identique, comme régime totalisant du même, comme une manière d'identifier ce que nous croyons déjà connaître. L'identité comme principe gouvernant l'usage esthétique dominant de la forme ; l'identité comme instrument de régulation sociale, conférant à certains une légitimité, en excluant d'autres sous prétexte de non-conformité ou de déviance. Ce qui est en jeu dans la performance, c'est de savoir ne pas être identique à soi-même, aux signifiants ou aux images qui nous identifient, pour inscrire son corps dans des rapports différentiels qui défient la prétention à une unité définitive. Ce savoir lui-même n'est pas inscriptible, pas directement codifiable, il est à reconfigurer sans cesse. Quelque chose émerge, dans nos pratiques, d'une "inquiétante étrangeté" de l'ordinaire: il s'agit de faire trembler les figures communes de la reconnaissance pour révéler ce qu'il y a en elles de troublant, de presque étranger. Ainsi du travail sur le genre et les identités sexuées qui court tout au long de nos expérimentations: jouer sur les genres, sur les "mauvais genres", en contestant, par des décalages parfois infimes, le régime binaire et normatif du "masculin" et du "féminin".

 

Jeter le trouble dans l'identité, c'est aussi réviser notre rapport à l'intime. Par exemple, en inscrivant dans l'espace public, sous une forme non dramatisée, des éléments relatifs à l'intimité du corps: jeu avec la nourriture et les vêtements, toilette quotidienne, rapports de désir… Comment les gestes que nous sommes censés cantonner à la sphère privée sont-ils ici perçus ? Est-ce indécent ou déplacé ? En quoi les déployer dans l'espace du dehors les modifie-t-il ? En quoi peuvent-ils devenir un support de création poétique ?  Dans le même temps, de tels processus contribuent à révéler le réseau complexe de forces et de pouvoirs qui façonnent notre rapport au corps et créent l'illusion d'un domaine intime, qui nous appartiendrait en propre. Le "propre" n'est jamais qu'un mélange impur, traversée de déterminations extérieures ; et qui de plus apte que le performer à faire éprouver ce tissage, cet entrelacs du propre et de l'étranger qui déchire l'apparence d'un noyau irréductible de l'être et qui pourrait peut-être se laisser ressaisir comme une sorte d'"ex-timité" ? De là à élaborer un savoir de "l'extime" comme fondement d'une démarche esthétique et d'une présence au monde…

6 juin 2010

HISTORIQUE DE METANOIA & SES AMI-E-S

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*** Polyphonies textuelles émises par mélanie, éric, jacques, stef...  Creative Commons CC Metanoia ***



THE TOUR OPERATOR

Travail sur l'invisibilité et sur la question du genre sexué. Relations entre l'intimité du corps et l'espace public. Projet de performance collective initié par Eric Ellul et Stefenko de novembre 2005 à juin 2006.

Le parcours du TOUR OPERATOR se fait selon plusieurs étapes. Chacune constitue déjà une performance en soi (ou réunit plusieurs structures qui restent à explorer). Ce projet est une sorte de "vivier", de "réservoir" où l'on peut se ressourcer et auquel on peut revenir pour affiner des matières ou en découvrir d'autres. Il combine plusieurs éléments des performances que l'on fait jouer ensemble ou séparément:


- l'aspect dramatique ("scénarisé" presque narratif)

-un aspect rituel (gestes répétés qui se fondent dans le quotidien)

-un aspect purement plastique (jeux avec matières et espaces)

- l'aspect "composition instantanée" (sur certains tableaux on fait jouer nos capacités d'improviser vraiment en groupe, sans savoir où cela peut mener)

-l'aspect choral (avec des parties vraiment écrites "musicalement")

-l'aspect "critique" (une certaine distance ironique qui permet de ne pas verser dans la provoc ni dans le spectaculaire séduisant), etc.

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Le projet a donné lieu à 2 performances en public : devant l'Eglise d'Andernos les Bains,  le 22 mai 2006 , ainsi qu' au point rencontre de la gare Saint-jean de Bordeaux, le 24 juin.
Avec : Jacques Brunet-Georget, Magali Fourgnaud, Gilles Errembault, Magali Castanier, Eric Ellul, Stefenko



GARE !

Gare de Bordeaux Saint-Jean. Des groupes à la composition aléatoire se font et se défont dans les interstices de l'espace "public". Des performers de tout horizon (danseurs, comédiens, plasticiens, vidéastes) expérimentent de nouvelles versions de la corporalité en se mêlant aux flux (de personnes, de sons, d'énergie...) pour y inscrire une trace chorégraphique qui ne soit pas codifiée par avance, mais en résonance constante avec la matière même de l'espace. Le danseur devient celui qui passe (passant, passager), et ce passage est l'occasion d'un lien neuf avec ceux dont il convie le regard. Un lien qui se situe quelque part entre l'imperceptible et le spectaculaire.


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De mars à juin 2006, avec : Thomas Pelletier, Line Bossut, Samuel Segura, Paul Jutteau, Yasmine Biotti,Tam N'Guyen, Magali Fourgnaud, Hicham Sqalli, Maëlle Perotto, Gilles Errembault, Magali Castanier, Sabina Ignoti, David Bettin, Aurore Robuchon, Cindy Rosankis,Teilo Troncy,Tiphaine Saintrain, Eric Ellul, Jacques Brunet-Georget, Mélanie Hosteint, Laura Hosteint,  Stefenko.



LE OFF DU OFF

En marge du Festival Mimos à Périgueux, le 06 août 2006, Eric et Paul organisent à demi-mot leur festival.
ils se rencontrent près d'une fontaine, se déshabillent, s'aident à se recouvrir l'un de peinture bleue, l'autre d'argile verte.
Ils déambulent chacun de leur côté en goûtant leur nouvelle peau séchant au soleil.
Puis se retrouvent, marchent ensemble, avec une temporalité différenciée, chacun essaie de faire entrer l'autre dans son univers.
Ils cherchent à partager quelque chose dans la rue, à chaque regard ordinaire: une parenthèse, Une suspension de la perception convenue de la ville. "L'épochè" de la naïveté.
Leur entrée progressive dans un rapport naïf à la ville entraîne le spectateur, simple passant d'un instant, dans une "épopée" du quotidien.
A la fin on revient au point de départ et on se baigne dans la fontaine.

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MARATHON D'IMPROVISATION

Les participants portent survêtements et baskets, et tout accessoire utile au jogger urbain. Par petite foulées, ils parcourent la ville selon un itinéraire et des horaires précis (de 10h du matin à 18h). Ils s'arrêtent à des endroits spécifiques pour laisser libre cours à ce qui surgit d'un mouvement collectif ou individuel. L'improvisation se construit aussi avec le lieu et l'environnement social existant.

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Performance initiée par Eric Ellul dans l'espace public bordelais le 27 août 2006. Avec Eric Ellul, Stefenko, Jacques Brunet- Georget, Ana Errobi, Yasmine Biotti, Samuel Segura, Paul Jutteau.

Reprise # notes d'Eric

  • Ce marathon pose la question de l'endurance et du lien à la "performance dite physique", du double sens en français de "performance" et de ce que ça dit du lien entre pratiques artistiques, sportives, spectaculaires et sociales. Ca parle de la différence entre l'espace qu'on donne au "corps" (celui qu'on désire avoir pour répondre à des représentations socialement valorisées: avoir un corps performant, ou toujours prêt à endurer le quotidien du travail... le corps doit être entraîné pour accroître son efficacité ou être désirable, etc.) et l'espace qu'on donne au "mouvement" (qui n'est pas affaire d'image de corps mais justement de brouillage de cette image toujours encline à se figer: entrer dans le mouvement ou aller jusqu'au bout d'une impulsion de mouvement , c'est accéder à un terrain plutôt inconnu, lié à l'enfance certes, à l'animalité...  mais aussi à la perturbation des repères spatio-temporels habituels: je me roule par terre, j'ai la tête en bas... mon corps en mouvement crée une musique propre à lui). Je suis dans une disposition "subversive" avec moi-même... et c'est déjà beaucoup...
    - comment ma motivation à continuer d'être "dans le mouvement" va t elle s'épuiser, chercher des appuis pour se renouveler...?
    - et justement quelles sortes d'appuis va trouver la "subversion par le mouvement" pour continuer d'exister sans se figer?
    le lieu, sa configuration, l'environnement humain, les regards des "spectateurs"?
    - comment persévérer dans un mouvement qui laisse continuellement la place au "surgissement" de "l'immédiat"?

 

UN SOUVENIR DE NOURRITURE

 

Au jardin public de Bordeaux, séance de lecture (extérieure à Metanoia) initiée par Paul Jutteau qui avait demandé à chacun des participants de composer un texte relatant un souvenir d'enfance lié à la nourriture.

Pour la seconde rencontre, chacun improvisera devant les autres (à partir de son propre texte) le dit 'souvenir de nourriture'. Certaines performances excèdent le cadre du solo et induisent la participation de tout le groupe...


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Avec Samuel Segura, Paul Jutteau, Line Bossut,Thomas Pelletier, Yasmine Biotti, Jacques Brunet-Georget, Eric Ellul, Stefenko.

Reprise # par Jacques

  • 3 septembre 2006, Jardin Public. Une grande nappe sur l'herbe. Des promeneurs silencieux arrivent peu à peu, s'arrêtent comme par hasard, installent ou laissent tomber des ustensiles et des aliments. Un tableau s'esquisse: s'agit-il d'un simple pique-nique, des restes d'un festin surréaliste, des préparatifs d'une libation ou d'un quelconque rituel? Aucun mot n'est échangé, aucune intention significative ne se lit dans les regards. Le temps même est indécis: tout se passe et rien ne se fait, rien ne commence et tout semble déjà clos, chaque seconde pèse d'un poids définitif tout en s'évanouissant dans un vide sans appel, sans avenir. Il faut sans doute cette espèce de non-être, de non-être tendu à vif, pour que surgisse un "acte" proprement dit, non scénarisé et animé d'une énergie spécifique. Ce qui s'est passé ne s'est pas passé par hasard, mais aurait pu tout à fait ne pas avoir lieu: le geste de l'improvisation tient sur la crête entre contingence et nécessité. Il y a d'abord la matière de l'événement, ce qu'il y a à toucher et à voir, à saisir et à goûter; pas seulement la matérialité des objets, potentiellement manipulables, qu'on peut choisir et isoler, mais le flux de leurs occurrences, la trame de réel dans laquelle ils prennent corps et vie. Il y a ensuite l'articulation signifiante de ce flux, la manière de le découper et d'en sérier les différences: il en va de la configuration de la performance, de la manière d'en agencer la cohérence sans que cela revienne à imposer une forme extérieure. Il y a enfin la résultante de ces opérations, le résidu qui émerge au titre de "sujet" de la performance. Le sujet, c'est à la fois "celui" qui fait tout en se laissant faire, et "ce qui" est fait sans se laisser forcément objectiver ni interpréter comme tel. Ici, tout part d'un non-événement: l'un d'entre nous ("on") s'endormait sur l'herbe, purement et simplement. Cet état de corps a polarisé toute une activité collective, a ouvert comme un champ magnétique qui a en quelque sorte décidé du sort des objets. Peu à peu, nous avons transformé ce corps en plat cuisiné! Chaque élément nouveau en devenait une sorte d'extension: une tranche de tomate venait continuer à vivre sa vie végétale sur un bout de sein, une spatule s'érigeait en nouvel organe, le sel se mêlait à la sueur, les aromates à l'odeur des cheveux... Déplacé sur un banc comme un cadavre vivant d'une vie plus intense, ce corps devenait à la fois le centre d'une véritable composition plastique et d'un processus aux milles ramifications. Il s'agissait pour lui de porter à la limite l'état du performer: passivité et vigilance, une entière disponibilité et une réactivité qui encourage l'invention au coeur même du laisser-faire. Quelque chose comme une "vacance" de l'être qui peut faire des merveilles... Ce corps improbable, ce "devenir-corps", nous l'avons laissé là, nous l'avons laissé persister dans son étrangeté, quelque part entre la pelouse et une allée. Nous l'avons laissé orphelin, comme une oeuvre - une non-oeuvre - sans auteur et sans fin. Au bout de quelques minutes - et c'est là, s'il en est, un exemple typique de "happening" -, un cercle de badauds s'est formé, la plupart intrigués, d'autres alarmés ou perplexes: qui est cet "homme"? que lui est-il arrivé? est-il malade? est-il fou? est-ce un "marginal" ou un artiste? qui faut-il prévenir?... Autant de questions qui peuvent faire sourire, mais qui sous-tendent bien souvent le geste de la performance. Il aura suffi de quelques tressaillements de sa part, de quelques légers mouvements, pour que le groupe se disperse, comme si rien n'avait eu lieu; la "vie" revient, avec ses traits identifiables, avec le visage ordinaire de l'humain mais il aura passé, dans cet après-midi, comme un miracle fugitif entre nos mains salies.



LAVORU  

Performance collective (extérieure à Metanoia) initiée par Yasmine Biotti le 8 décembre 2006, dans une laverie automatique, rue Camille Sauvageau. Avec : Thomas Pelletier, Paul Jutteau, Eric Ellul, Yasmine Biotti, Mélanie Hosteint...

Consignes : chacun apporte son linge sale au lavomatique, ainsi qu'un aliment qui dégage une odeur caractéristique (ex. ail, fromage...).
1er étape : découverte avec les yeux ouverts du lavomatique pendant 20 min, seul avec son linge sale. 
2nd étape : Les yeux fermés; formation aléatoire de duos aveugles.
3è étape : rencontrer les gens présents avec le seul regard.

A n'importe laquelle de ces étapes il est possible de manger l'aliment apporté, voire de le partager avec d'autres.

Enjeu : ouvrir ses perceptions kinesthésiques, auditives et olfactives grâce à l'expérimentation les yeux fermés.

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ETRANGER CE CORPS

Soirée thématique donnée les 14, 15, 16 décembre 2006 à L'Espace Artisse /Asais-Icare dans le cadre d'une résidence de création, Bordeaux.

Qu'est ce qui se déclenche dans mon corps d'incongru quand j'essaie de le conformer aux normes établies? Ses torsions produisent un autre langage, un rapport ironique à ce qui le structure. Ce travail dans l'impur permettrait-il de percevoir l'Autre différemment et de toucher quelque chose de sa réelle présence ?

La compagnie Metanoia vous propose trois performances suivies d'un espace d'échanges improvisé.


    L'âge d'Or de/avec Eric Ellul

Ce serait un monologue impossible entre mes origines: Cambodge/France. Le moment fictif où ma langue maternelle aurait croisé ma langue paternelle. c'est un corps qui cherche à tâtons un endroit où se poser: ça ressemblerait à des ruines, mais on dirait un jardin.

    Peaux Mortes de/avec Jacques Brunet-Georget & Noémie Lecharpentier

Partant de variations autour du visage et de la figure humaine, lorsqu'ils sont soumis à des processus de perte, d'étrangification ou de déformation, on passera par la métamorphose transexuelle pour interroger notre idée même de l'identité corporelle, avant de donner à voir sous un jour particulier l'expérience ordinaire de la grossesse.


    Le Musée de l'Homme de/avec Stefenko

(...) sur fond d’histoire coloniale, manifeste les rapports de pouvoir que met en jeu la pause photographique. La « mission civilisatrice » blanche, masculine, scientiste produit une vitrine où le corps de l’Autre, privé de parole, est modelé par le sujet photographiant. A cette démarche déréalisante quelque chose pourtant résiste…


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CORPS EN QUESTIONNEMENTS

 

Corps en questionnements dans la performance plastique et dansée. Pratiques alternatives aux régimes normatifs masculin/féminin, dominant/dominé, normal/anormal...

Exposition des photographies de Stefenko à la Maison des Femmes de Bordeaux, le 17 mars 2007. Diaporama et interventions de Mireille Feyzeau, artiste chorégraphique et pédagogue (Le Jardin d'Alice) et de Jacques Brunet-Georget, chercheur en philosophie et danseur.
Suivis d'une performance collective "Entre-peaux", conçue par Eric Ellul et Mélanie Hosteint, avec  Ana Errobi, Eric, Mélanie, Jacques, Stefenko.

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Légendes photos©STEFENKO : Interface à la mammographie, DaguerréoMammoType, Inquiétante étrangeté, Identité judiciaire.


Reprise # par Jacques

  • Cinq performers se livrent à un étrange rituel autour d'une pile de vêtements. Par une lente métamorphose, l'un d'eux s'en enveloppera comme si c'étaient des bouts de corps, des greffons vivant de leur vie propre. Les autres entreront dans une danse circulaire, à la limite de la transe, qui répercute de corps en corps les mêmes impulsions, jusqu'à ce que les individualités se mélangent et deviennent indistinctes. Ici, c'est le tissu qui oriente le mouvement; surface paradoxale qui conjoint le plus intime et le plus extérieur, il devient une sorte de seconde peau où se découvre une nouvelle modalité du lien à l'autre. L'interrogation sur les limites du corps propre laisse entrevoir la possibilité de communier dans une expérience sensitive.   


ENTRE-PEAUX

Entre-peaux est une partition écrite pour performers, danseurs, conteurs, improvisateurs en tous genres… Elle réunit ces artistes autour d’un geste quotidien : s’habiller/se déshabiller.

Habiter les différentes couches qui nous recouvrent, de la peau à l’architecture du lieu. Se découvrir jusqu’à ses propres limites …
Ensemble d’improvisations en solo, duos, et collectives, Entre-peaux se présente comme  une règle du jeu en 5 phases où chacun exerce un rituel personnel, tout en participant à une chorégraphie collective……
Entre peaux, se changer, échanger, changer d’espace, changer d’espèce…

Performance collective donnée dans le hall de la fac d’anthropologie Victor Ségalen, le 4 avril 2007 à Bordeaux.  Conçue par  Eric Ellul et Mélanie Hosteint, avec Yasmine Biotti, Ana Errobi, Eric Ellul, Marie Laure Goulay, Mélanie Hosteint, Samuel Segura, Stefenko, Antoine Teissier, et Sylvanie Tendron.

 

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CONTROLE(S) D'IDENTITE

 

Le Musée de l'Homme, performance de/avec Stefenko,  est donné le 30 mars 2007 à L'Imprimerie-Boucherie, dans le cadre du Festival Contrôle d'Identité(s), nouvelle édition des Journées du Film Ethnographique. La performance est suivie d'une rencontre-discussion autour des "Zoos Humains" puis du diaporama : "Corps en questionnement dans la performance plastique et dansée ". Exemples de pratiques alternatives aux régimes normatifs masculin/féminin, dominant/dominé, normal/anormal... Photographies de Stefenko, intervention philosophique de Jacques Brunet-Georget.



(...) sur fond d’histoire coloniale,
Le Musée de l'Homme manifeste les rapports de pouvoir que met en jeu la pause photographique. La « mission civilisatrice » blanche, masculine, scientiste produit une vitrine où le corps de l’Autre, privé de parole, est modelé par le sujet photographiant. A cette démarche déréalisante quelque chose pourtant résiste...


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ART-PERFORMANCE : EXPERIENCE EVENEMENT TRAVERSEE...
JE PERFORME LA OU JE VIS
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Le 3 juin 2007 au Bistrot associatif / Asais-Icare, Santé Précarité Bordeaux.

Projection commentée des vidéos de Mélanie Hosteint et des Photographies de Stefenko. Performance "Entre-Peaux" conçue par Eric et Mélanie, avec Ana Errobi, Jacques Brunet-Georget, Mélanie Hosteint, Eric Ellul, Stefenko. Rencontre-discussion avec le public.

Reprise # notes de préparation par Eric

  • un tas de vêtements
  • (un arrière-fond d'images vagues de performances, arrière-son vague)
  • une personne (est-elle déjà sous le tas? en émerge-t-elle?)  s'habille avec chacun des vêtements, se recouvre peu à peu, inexorablement,
  • sous l'oeil de témoins, autour, plaçés dans  l'espace des spectateurs.
  • les témoins un à un ou par deux viennent aider le personnage central à enfiler les derniers vêtements, plus difficiles à mettre.
  • la difficulté peut se sentir un moment.
  • le témoin repart dans sa bulle périphérique, tandis que le central devient "boule", puis témoin revient vers la boule.
  • des échanges de poids entre les témoins et la boule.
  • Elle roule aux pieds des spectateurs.
  • les témoins se frottent à la boule, de cette friction naissent les étirements qui provoquent le déshabillage.
  • Quelques sons peuvent se mêler à ceux des vêtements.
  • Vêtements morts jetés alentour.
  • Vêtement familier a un certain poids, devient une certaine peau entre les mains et au contact du témoin qui repart avec, dans sa nouvelle bulle.
  • Est-ce que vous voyez la suite?
  • je ne vois pour l'instant que le sens qui viendra lorsque nous l'expérimenterons.
  • Anne: "J'ai suggéré que, une fois déshabillée, je dise le texte pendant que vous effecturez vos solos. Je tiens beaucoup, après ce passage froid, à ce que nous terminions chaleureusement la pièce, ensembles, par du contact, de l'attention à l'autre, entre nous d'abord puis avec le public (soit par du contact si nous reconnaissons des amateurs, soit en engageant la conversation, ou la peau, ou... )".


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PERFORMANCES MANIFESTES


En 2008, Metanoia Artistes Performers continue d’approfondir la performance dans l’espace public : un laboratoire d’exploration s’est mis en place, qui élabore des processus simples d’engagement physique, des modes de manifestation fondées sur la disponibilité à l’environnement urbain quotidien. Quelle présence à soi et aux autres est nécessaire pour que “le réel se provoque”? Quels espaces (du corps à la ville) sont encore à créer pour quel citoyen? Les propositions de chacun des membres émergent des différentes acceptions de ce qu’il est convenu d’appeler des “performances manifestes”.

Par la suite, un atelier d’improvisation est ouvert au public et donne lieu à des performances préparées avec conscience.

Ateliers-laboratoires

 

* DEPAYS *
atelier dans un chantier public sur les quais de Bordeaux, le 15 août 2007

Se rendre sensible à un lieu, faire vivre cette résonance dans un parcours dont chacun propose une étape, une sorte de PAUSE dans la ville. Contemplation en mouvement. Se laisser traverser, diverses matières et textures, couleurs, formes... Rendre à l'environnement cette matière en la passant par le corps. Se poser à un endroit d'où affleurent différentes strates : préparation à l'envol, nidification, être à la fois dedans-dehors...

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Reprise # Quelques éléments à retirer de la journée du 15, par Jacques

  • Comment "résister à la performance" ?
  • - résister aux multiples tentations offertes par l'espace informe du réel pour sélectionner un axe, un fil rouge, un écho à faire résonner (bruits de ferraille sur le sol et scansion de leur rythme, mes pieds et l'horizon...). Il y a toujours de l'écriture, de l'intention au coeur de l'improvisation.
  • - résister à l'appel du faire. Toute entrée dans l'improvisation doit être décidée mais par forcée. Ne pas y aller parce qu'on s'y sent contraint par la forme même de l'intervention. Commencer un mouvement, commencer avec le mouvement, c'est sentir à la fois que la situation l'exige et qu'on s'y prête le plus librement possible. Ne rien faire, c'est encore faire sens, ponctuer la partition.
  • Du bon usage de l'image
  • - savoir reconnaître un usage plutôt représentatif de l'image, qui peut faire courir le risque de passer à côté du mouvement. Une image mentale, une scénographie intérieure qui serait trop intimantes en orientant de façon trop déterminée, trop anticipée, le cours des événements.
  • - un usage plus intéressant : lorsque l'image surgit pour le performer des images données par le contexte même de la performance (images-mouvement, images-déclic, plutôt du côté de l'impulsion, presque en deçà de l'appréhension visuelle picturale), pour susciter des représentations qui seraient immédiatement relayées par un sentir (connexion avec un partenaire, sensations tactiles, immersion dans un micro-événement...). Enjeu : développer un imaginaire à même le réel du mouvement.
  • Comment faire exister un espace dans le temps, comment faire exister un espace comme temps ?
  • Deux exemples
  • - perf n°1 : les cailloux jetés par intermittence devant le cube de béton, pendant et après l'intervention d'un performeur. Il surgit comme un espace sans performeur, qui est pourtant un pur espace de performance. Espace = pure pulsation temporelle. Espace de traces, de rythmes, de promesses. Un espace sans sujet qui semble atteindre une grande densité, à la pointe extrême de l'événement.
  • - perf n° 2 : la course irréelle, immobile, inépuisable, le long du tronçon de route. Conversion continuelle d'espace en temps, qui joue sur les intervalles, la répétition et quelque chose comme un exercice de l'éternité.
  • Comment aborder la performance comme "milieu" où je me retrouve -où "ça se trouve" ?
  • L'aborder par absorption, en laissant les sensations fuser, s'infiltrer, et provoquer -le cas échéant- des réactions ou des initiatives, quitte à se laisser submerger par ce qui a eu lieu (et ça peut être bouleversant mais aussi épuisant) ? Ou bien créer d'emblée une mise en tension, en apportant un dispositif, une contrainte : l'improvisation surgirait à la lisière -dans la béance?- entre deux séries d'événement, celle, formelle, inaugurée par le performeur, et celle, immanente, ouverte par le réel de la situation.
  •  


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* PARADOXES DE LA PRESENCE *
atelier en appartement dirigé par éric, le 21 décembre 2007

Paradoxe de la présence, présence paradoxale.
Performances manifestes plutôt que citoyennes.
Aller-retour écriture-parole, le toucher, acquérir une certaine présence,
Faire lien à partir de cette action : Passer quelque chose à l'autre.
Partir de situations de groupe très simples autour de 2 fils : Présence et Responsabilité.

Déroulement :

1.  4 personnes autour de la table; Bols, verres, fourchettes... combinatoire, comme les échecs

2. Chacun définit pour soi la "présence" et improvise devant les autres autour de sa définition sans la dévoiler verbalement

3. massages réciproques, manipulation main/épaule

4. respiration / sphères kinesthésiques

5. Qu'est-ce que la responsabilité ?

le marqueur : noyau central de la main; aller dans la rue, être dans une attention soutenue


* FAIRE IMAGE *
laboratoire intensif avec David Lakein du 28 avril au 2 mai 2008

Un laboratoire international qui s’adresse à tous !

Il tire sa force de la diversité des participants : performers, acteurs, danseurs, chanteurs, circassiens, plasticiens, poètes, vidéastes, photographes, musiciens, improvisateurs… et tout citoyen pour qui l’engagement dans son environnement paraît nécessaire. Individuellement ou en petits groupes nous construisons des ' images ' , avec beaucoup d’attention ou sans retenue, dans la rapidité et la lenteur… Nous abordons des questions telles que : quels sont les éléments qui composent une image ?  Lesquels sont centraux, lesquels gravitent autour, agissant comme soutien? Quelles sont les limites d’une image : quand commence-t-elle, finit-elle ? Quelles sont les différences entre une image et une entité scénique plus large ?
Le travail porte sur les éléments suivants: corps/figure/forme, mouvement/action/événement, cadre/atmosphère, lieu/espace, ainsi que sur le lien voix/texte et vêtements/objet : nous gagnons une conscience plus aiguisée et nuancée de la manière dont ces éléments s’influencent et interagissent entre eux (...)


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Avec Haleh Gheytanchi, Hicham Sqalli, Florent Sallefranque, Marie Baguet, Aline Berger, Thomas Pelletier, Julia Taquet, Aurore Vannier, Sophie Jammes, Eric Ellul, Mélanie Hosteint. Pour une présentation approndie du labo, télécharger le document en pdf (80 ko) : Laboratoire_intensif_Metanoia 

 

* LE « JE-NOUS » D'ULYSSE *

et autres formes, soirée Performance à L'imprimerie-Boucherie, le Samedi 3 mai 2008 en collaboration avec Le Jardin d'Alice et Pneu pno.

Partition d'improvisation élaborée par Mireille Feyzeau, de la Cie Alice et les Autres. Eco-partition, danse d'entre-deux dans le rapport de soi à l'environnement. Reconstructions éphémères s'appuyant sur la pulsation du « soi » inscrite au présent. Mettre cela en processus dans le groupe!

Avec la participation d' Aline Berger, Eric Ellul, Tatiana Firmin, Haleh Gheytanchi, Mélanie Hosteint, Sophie Jammes, Pascal Narpon, Thomas Pelletier, Gabrielle Reix, Florent Sallefranque, Julia Taquet et Aurore Vannier. Musique: Loïc Cavadore, Mathias Pontevia. Direction: Mireille Feyzeau et David Lakein.




6 juin 2010

Jacques Brunet-Georget

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est docteur en philosophie. Il est également formé en théâtre et en danse contemporaine, parcours qui l'a amené à s'interroger sur les possibilités propres du mouvement, indépendamment de sa référence à une signification instituée. Dans son travail d'écriture et de conférencier, il enquête sur les conditions sous lesquelles ce qu'on appelle le "corps" est appréhendable dans les sciences humaines et en esthétique. Ce double projet a pu prendre place dans une activité associative interrogeant le rôle des pratiques du corps dans la cité, et cherchant à développer l'art de la "performance".

 

 

Quelques spectacles et participations :

- Entre-Peaux : performance de groupe Metanoia à la Maison des femmes (mars 2007). Interrogation sur la peau, le vêtement, l'enveloppe et la seconde peau.
- Peaux mortes : pièces courtes à base théâtrale dans le cadre de la soirée thématique Etranger ce Corps /compagnie Metanoia à l'Espace Artisse, Bordeaux (décembre 2006). Il s'agissait d'interroger la défiguration, la métamorphose transsexuelle, et la grossesse, pour faire vaciller nos évidences concernant la familiarité et l'intimité du rapport au corps.
- The Tour Operator : performance de groupe Metanoia à la gare de Bordeaux (juin 2006). Travail sur l'invisibilité et sur la question du genre sexué. Relations entre l'intimité du corps et l'espace public.
- Enfant de harkis : interprétation de textes de Dalial Kerchouche sur les harkis, avec la compagnie Acteurs du monde au théâtre Molière Scènes d'Aquitaine (septembre 2005).
- Gibiers du temps : de Didier-Georges Gabily, participation à une fresque mi-mythologique, mi-contemporaine, mise en scène par Gérard Laurent, au conservatoire de Bordeaux (avril 2005); rôle de l'Ombre de la jeune Négresse.
- travail de mise en scène d'une adaptation du roman posthume de Georges Bataille, Ma mère (juin 2005).

- mise en scène, au conservatoire de Bordeaux, d'une pièce de Christophe Honoré, Le pire du troupeau (juin 2004).

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Publications en ligne :

 

« Don Quichotte performer: lost identity in La Mancha »
Chimères. Revue des schizoanalyses, n°68, novembre 2008

 

« De la chirurgie esthétique à Orlan : corps performant ou corps performé ? »
Revue Interrogations, n°7 : Le corps performant, décembre 2008


« De “l’erreur transsexuelle” à la performativité du sexe : pour une éthique du devenir »
Revue e-LLA de l’Université de Provence, n°2 : Devenirs féconds de l’erreur, juin 2009
 

 

 

 

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6 juin 2010

éric Ellul

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Né au Cambodge, basé à Bordeaux (et là où les projets le mettent en mouvement), il aime naviguer entre l’enseignement des Lettres Classiques et la scène vivante.
Il poursuit actuellement un travail artistique personnel sous les auspices d’Alice et les Autres (Mireille Feyzeau, danse contact improvisation, danse et voix, transe…), de Loop-it (Pascal Narpon, Rythme en jeu, percussions corporelles, Body music…) et Metanoia (Stefenko, performances dans les espaces publics, danse-théâtre…).
Il explore le clown avec Eric Blouet et enseigne dans diverses structures la danse contact improvisation, le théâtre et le rythme en jeu.

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Photos :  David Olivari, Stef

L'âge d'Or

de/avec Eric Ellul

Ce serait un monologue impossible entre mes origines : Cambodge/France. Le moment fictif où ma langue maternelle aurait croisé ma langue parternelle, c'est un corps qui cherche à tâtons un endroit où se poser : ça ressemblerait à des ruines, mais on dirait un jardin.

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6 juin 2010

stefenko

 

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Stefenko est co-fondatrice du groupe d'improvisation en danse-théâtre Metanoia. Artiste pluridisciplinaire interpellée par l'image, la plastique du son, l'écriture, sa recherche en art-performance interroge :

* la combinaison entre l'image fixe et le mouvement

* les effets du dispositif normatif "genre, classe, race" dans leurs implications corporelles (représentations et procédures)

* le genre sexué en situation coloniale et postcoloniale

Une exploration du régime de l'image dans la pratique photographique coloniale fut engagée lors de 2 résidences de création à L'Espace Artisse et à l'Imprimerie-Boucherie. L'intention était de se situer à la genèse du burlesque en doublant des archives sonores issues de l'histoire politique du XXe s. [doublure, dribble, dépassement], de dérouler un certain type d'actions du corps confronté au système des objets jusqu'au point de l'échec [indiquer-sonder la potentialité du parasitage]...

Cette mise en route donna lieu à une suite de performances publiques dont une participation au Festival 'Contrôle(s) d'Identité(s), Journées du Film Ethnographique, Bordeaux, 2007'.

 

Le Musée de l'Homme

esquisse gestuelle, plastique et sonore

 performance de/avec Stefenko

(…) sur fond d'histoire coloniale, manifeste les rapports de pouvoir que met en jeu la pause photographique. La "mission civilisatrice" blanche, masculine, scientiste produit une vitrine où le corps de l'Autre, privé de parole, est modelé par le sujet photographiant. A cette démarche déréalisante quelque chose pourtant résiste

 

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photos © David O-net, J.Jaurégui, éric E.  captation de photogrammes

Cette recherche est jalonnée par des travaux d'atelier et de photo-reportage dont la série des Interfaces sur le genre sexué présentée à La Maison des femmes et à L'Espace Artisse : exposition d'images fixes et/ou diaporama, rencontre-discussion, performance collective.

Les expérimentations de Metanoia, groupe d'artistes performers, poursuivent entre autre un travail critique des normes :
* en 2005, à travers la conception du projet The Tour Operator, mêlant art contextuel, performance drag, mise en voix, recherches chorégraphique et plastique
* à partir de 2006, dans des performances collectives menées dans l'espace public (Gares, Entre-peaux, Marathon d'improvisation...)
* ou dans des formes vouées à la scène (soirée thématique Etranger ce Corps, Espace Artisse 2006).

 

 

 

6 juin 2010

Mélanie Hosteint

 

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Toutes mes réalisations passées et à venir sont les étapes d'un vaste chantier qui ne cesse de se construire et se déconstruire. Je cherche à faire émerger des  images dans le paysage urbain, dans le cadre de mon caméscope, ou encore sur scène, avec ce qui est sensiblement déjà là. Ce sont des sortes de collages ; des actions qui voudraient exister dans des lieux inattendus ; des  espaces qui attendent qu'un geste les divertissent. La plupart de ces  œuvres se veulent éphémères. Elles surgissent dans un environnement qui les dépasse et puisent leur force en se montrant déjà sujettes à disparaître. La répétition d'une même action s'impose parfois comme une alternative, un moyen de jouer sur leur réapparition. Je questionne alors les différents sens qui surgissent selon le lieu et le moment où elle choisit de naître. Je laisse une porte ouverte à ce que ces actes ne savent pas encore afin de leur donner d'autres possibles. Je laisse les choses à l'état de suggestion, entre l'idée et la forme close.  Garder une forme ouverte, c'est laisser la nécessité du moment s'exprimer, donner une place à l'imagination. Il y a dans ce parcours, la recherche d'une certaine qualité de présence, entre visibilité et invisibilité.
Ce chantier a démarré par la construction de cabanes en plein cœur de Bordeaux. Construire des cabanes, c'est revenir en enfance, oser croire que l'espace peut nous appartenir le temps d'un jeu, non pas en faire une propriété solide, privée, domestiquée, mais un lieu d'action, un lieu où on s'isole pour mieux se réinventer. C'est se rassembler par affinités, constituer une équipe, un réseau, partager les tâches. Assembler des fragments épars. C'est ne pas avoir d'autre but que la construction elle-même. Le temps de la construction est le temps nécessaire à notre propre réinvention. On n'y habite pas. On laisse la construction vivre jusqu'à dégradation. Leur matérialité urbaine laissait souvent penser, aux constructions précaires des sans-abri. Pourtant, le lieu où elles émergeaient les rendait visibles.

 

Elles n'étaient pas situées sous un pont ou dans d'autres recoins de la ville mais sur des trottoirs, attachées aux murs des maisons, des églises… comme si, en s'accrochant aux architectures solides et imposantes qui structurent la ville, elles pouvaient apparaître, faire sens ; comme si, en s'offrant un nouveau rapport au public, elles voulaient devenir images. L'objet présenté donnait à voir  un acte de survie, une recherche de protection de soi, dans une société du rejet. Il n'y avait pas d'accusation  de l'exclusion elle-même, mais une nécessité de donner forme à ce que l'exclusion provoque ; donner à voir l'être mis à nu par son propre acte de résistance. L'objet pacifique et solitaire avait pris la peau d'un acte de résistance collective.  Il s'était lui-même réinventé.

 

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La rencontre de Thierry Devisme, m'a amené à faire de ces bâtisses, des musées  en carton. Il y exposait ses dessins, les 1ers dimanches de chaque mois, devant les  musées de Bordeaux. Choisir le jour où l'entrée des musées est gratuite, c'est s'offrir le moyen d'accéder à un public plus large. La stratégie était de faire face à l'institution, afin de faire dévier  son public vers l'inattendu.
L'inattendu a fait que je quittai mes morceaux de carton, pour plonger dans le cadre de mon caméscope, explorer de nouveaux espaces. Le caméscope fixé, le  corps est libéré du  "faire pour donner à voir". Il devient le lieu même de l'action, se laisse porter par elle. Chaque chose, mouvement, idée, désir, devient prétexte à improviser.

 

L'improvisation prend le dessus ; elle me fait passer d'un espace à un autre, du privé au public, du public au scénique, du scénique au filmique. Je participe à toutes sortes de performances qui me sont proposées, dans la rue, dans les supermarchés. Puis j'en propose à mon tour dans les espaces publics,  les espaces d'exposition. J'écris des chorégraphies courtes, destinées à traverser les rues, à surgir dans les cafés, etc.
La danse comme terrain d'improvisation s'est présentée comme un développement logique. La rencontre de Patricia Chen et Mireille Feyzeau m'a  amené à composer dans l'espace scénique.  La scène, c'était reprendre le rapport frontal pratiqué en vidéo performance. Considérer le corps comme outil de mesure d'un nouvel espace, se mouler dans des formes pour s'en détacher aussitôt. C'était reprendre de la performance, l'idée que l'oeuvre se réalise et se visualise en même temps.
Et si la caméra n'avait pas encore sa place sur scène, elle devenait elle-même un espace chorégraphique.  Elle accueillait des chorégraphies écrites pour elle, ou partait à la chasse aux corps en action dans les rues de Bordeaux.
Passer d'un espace à un autre, d'une action à une autre, d'un medium à un autre, c'est refuser d'avoir une pratique uniforme, renouveler en permanence le goût du sensible, du curieux, de l'étrange, et du devenir. C'est finalement s'inventer constamment de nouveaux refuges. Préserver notre peau afin d'éviter qu'elle ne se moule dans un genre, un style, une identité. Fermer la porte un instant aux grandes vérités pour cueillir du bout des doigts ce qu'il reste de soi et de notre désir à vivre encore, autrement. Reste à multiplier les ponts entre ce que j'ai traversé et ce qu'il me reste à parcourir et bondir d'une place à une autre. Imaginons : danser pour les caméras de surveillance, filmer la rue elle même, rendre la caméra mobile, et s'intéresser au corps fixe … Le cycle se recycle. Un corps immobile,  dans la rue, cela me fait penser au SDF. Prochaine étape : danser chez eux.

 

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